Avis 20210758 - Séance du 25/03/2021
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 1er février 2021, à la suite du refus opposé par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à sa demande de communication, pour l'année 2020, du tableau récapitulant la liste des formations effectuées dans le cadre du droit individuel à la formation des élus (DIFE) mentionnant le nom des élus concernés.
La commission rappelle qu'il existe deux dispositifs de formation des élus locaux :
‐ un dispositif ancien aujourd’hui prévu par l’article L2123‐12 du code général des collectivités territoriales pour les élus municipaux, la même chose existant pour les autres collectivités, qui prévoit que les membres d'un conseil municipal ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions. Ce même article dispose qu'un tableau récapitulant les actions de formation des élus financées par la commune est annexé au compte administratif et donne lieu à un débat annuel sur la formation des membres du conseil municipal. Par un avis 20183855 du 31 décembre 2018, la commission a considéré que les noms des élus bénéficiaires des actions de formation financées par la collectivité, l’intitulé et les dates des formations, les organismes de formation concernés ainsi que le coût de ces formations étaient communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et du code général des collectivités territoriales ;
- un droit individuel à la formation prévu par l’article L2123‐12‐1 du code général des collectivités territoriales, pour les communes. Dans sa rédaction applicable à l'année 2020, cet article prévoit que les membres du conseil municipal bénéficient chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Il est financé par une cotisation obligatoire prélevée sur les indemnités de fonction perçues par les membres du conseil. La mise en œuvre de ce droit individuel à la formation relève de l'initiative de chacun des élus et peut concerner des formations sans lien avec l'exercice du mandat et notamment contribuer à l'acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat. L'article L1621-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que c'est la Caisse des dépôts et consignations qui assure la gestion administrative, technique et financière de ce fonds et instruit les demandes de formation présentées par les élus, selon les modalités prévues par une convention de mandat entre l'Agence de services et de paiement et la Caisse des dépôts et consignations.
La commission considère que la liste sollicitée détenue par la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre de la gestion de ce dernier dispositif de formation constitue un document administratif communicable sur le fondement des dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions qu'il organise.
La commission relève que la Caisse des dépôts et consignations s'oppose à la communication d'une liste nominative, mettant en correspondance les formations suivies et les élus, au motif que la communication d'une telle liste porterait atteinte à la vie privée des élus, protégée par les dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle qu'elle considère que la formation initiale et les qualifications d’une personne sont couvertes par le secret de sa vie privée. En revanche, ne relèvent pas de la vie privée des personnes intéressées, la détention des titres et diplômes également requise pour l’exercice d’une profession réglementée (ex : avis 20142424 du 24 juin 2014 s’agissant du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur d'accueils collectifs de mineur, avis 20163751 du 6 octobre 2016 au sujet des qualifications requises pour exercer les fonctions d’ambulancier et avis n° 20180838 du 12 juillet 2018 s’agissant de la formation obligatoire des policiers municipaux) ou les formations suivies par les agents publics dans le cadre de leurs fonctions (avis 20180561 du 27 mai 2018 et décision du Conseil d'Etat n° 375704, Association spirituelle de l’Eglise de scientologie, 8 novembre 2017).
En l'espèce, elle estime, comme elle l'a fait pour les formations adaptées aux fonctions des élus locaux relevant du dispositif prévu par l'article L2123-12 du code général des collectivités territoriales en ce qui concerne les élus municipaux, que les formations suivies par les élus dans le cadre du droit individuel à la formation qui sont en lien avec l'exercice de leur mandat ne relèvent pas de la protection de la vie privée. S'agissant des formations éligibles à ce droit qui seraient sans lien avec l'exercice du mandat et qui peuvent contribuer à l'acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à son terme, la commission considère que ce droit à la formation n'est pas détachable des fonctions électives à raison desquelles il est acquis et donc de l'engagement de l'élu qui excède le cadre de sa vie privée, ce qui a pour effet de diminuer l’intensité de la protection devant être réservée aux formations suivies à titre privé. En outre, la commission considère qu'il serait juridiquement et matériellement délicat, voire impossible sans entraîner pour l'administration une charge de travail déraisonnable, de procéder aux occultations de l'ensemble des formations suivies qui seraient sans lien avec l'exercice du mandat, ce qui conduirait en définitive à ce que l'ensemble des formations suivies ne puisse être communiqué qu'après anonymisation. La commission en déduit que les exigences de la protection de la vie privée que garantit l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient faire obstacle à ce que la liste nominative des bénéficiaires des formations dans le cadre droit individuel à la formation des élus soit considérée comme un document administratif communicable au sens du code des relations entre le public et l’administration, quelle que soit la nature des formations suivies, en lien ou non avec l'exercice du mandat.
La commission considère, enfin, que si comme le soutient la Caisse des dépôts et consignations, l'extraction des données du système d'information relatif au droit individuel à la formation des élus excède ce qui relève d'un traitement automatisé d'usage courant, ce traitement, dont la commission relève qu'elle y a procédé en 2019 pour communiquer la liste des formations effectuées dans le cadre du droit individuel à la formation des élus au titre de l'année 2019 au demandeur, ne fait pas peser sur la caisse une charge de travail déraisonnable (CE, n° 432832, M. X, 13 novembre 2020).
Au regard de l'ensemble de ces considérations, la commission émet donc un avis favorable à la communication du tableau récapitulant la liste des formations effectuées dans le cadre du droit individuel à la formation des élus mentionnant le nom des élus concernés pour l'année 2020.