Sanction 20083162 - Séance du 16/12/2008

Sanction 20083162 - Séance du 16/12/2008

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, notamment ses articles 10, 12, 18 et 22 ;

Vu le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu la lettre du 11 juillet 2008 adressée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments à la commission d’accès aux documents administratifs et enregistrée sous le n° 20083162 ;

Vu la lettre de notification des griefs en date du 4 septembre 2008 adressée par le rapporteur de la commission d’accès aux documents administratifs à la société X. ;

Vu la lettre du 3 octobre 2008 de la société X. ;

Vu le rapport établi en application du dernier alinéa de l’article 22 du décret du 30 décembre 2005 et remis le 14 novembre 2008 à la société X. ;

Vu la convocation à l’audience du 16 décembre 2008 remise à la société X. le 14 novembre 2008 ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 16 décembre 2008 :
- le rapport de Mme Pearl NGUYÊN-DUY, rapporteur ;
- les observations de M. Jean-Philippe THIELLAY, rapporteur général de la CADA ;
- les observations de Mme Sophie RIMEU, commissaire du gouvernement ;
- les observations de Monsieur V., représentant la société X. et Maître D., avocat à la cour, qui se sont exprimés en dernier ;

La commission relève que la société X. a, dans le cadre d’une campagne de publicité menée au début de l’année 2008, diffusé dans la presse et dans ses restaurants des messages publicitaires, dans lesquels elle vantait les vertus nutritionnelles d’une nouvelle huile de friture qu’elle avait mise au point, en se prévalant de recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

Malgré un courrier de l’AFSSA avertissant la société de ce que les données ainsi présentées ne correspondaient pas à ses recommandations, la campagne de publicité s’est poursuivie dans certains restaurants de la chaîne, la société X. ayant mis fin à la diffusion de son message dans la presse, mais ayant omis, selon ses déclarations, de faire retirer les sets de table également utilisés comme supports publicitaires.

La société X. indique qu’elle a conçu ses messages publicitaires à partir des informations figurant dans le « tableau M : tableau synthétique de la consommation des apports nutritionnels conseillés en acides gras chez l’homme adulte » publié dans l’annexe 7 à l’avis de l’AFSSA du 10 juillet 2003.

Aux termes de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978, « sauf accord de l'administration, les informations publiques ne doivent pas être altérées, leur sens ne doit pas être dénaturé et les sources et date de leur dernière mise à jour doivent être mentionnées ».

La commission constate, en premier lieu, que la société X. ne cite ni la source des informations utilisées, ni la date de leur dernière mise à jour. Si elle mentionne l’AFSSA comme l’auteur de ces données, elle le fait de façon erronée en la désignant sous le nom d’ « agence française de sécurité sanitaire » et en omettant ainsi le complément « des aliments », alors qu’il existe trois agences françaises de sécurité sanitaire (des produits de santé, de l’environnement et du travail, des aliments).

En second lieu, en énonçant que sa nouvelle huile de friture contient « seulement 7,5 % d’acides gras saturés, soit trois fois moins que le taux de 24 % recommandé par l’Agence française de sécurité sanitaire », la publicité de la société X. laisse penser que l’AFSSA a émis des recommandations sur les huiles et sur les taux d’acides gras saturés qu’elles doivent contenir, ce qui n’est pas le cas. En effet, l’AFSSA a uniquement formulé des recommandations quant à la quantité maximale de lipides dans l’alimentation globale d’une personne. Il résulte de celles-ci que l’apport nutritionnel conseillé en lipides s’élève à 81 grammes par jour, ce qui représente 33 % de l’apport énergétique total, lequel est fixé à 2 200 Kcal par jour pour un homme, et que l'apport conseillé en acides gras saturés (AGS), qui constituent une catégorie de lipides, est de 19,5 grammes par jour, soit 8% de l'apport énergétique total.

Ainsi, la société X. a méconnu la portée et dénaturé les données de l’étude de l’AFSSA dans la mesure où, en calculant le rapport entre le taux d’acides gras saturés et le taux de lipides (8 % / 33 % = 24 %), et en l’appliquant à la teneur en acides gras saturés d’un seul produit déterminé, à savoir sa nouvelle huile de friture, elle a extrapolé à tort des données qui se rapportent à l’alimentation globale par jour d’un homme adulte, quels que soient les aliments consommés.

Cette réutilisation des données publiques par la société X. ne permet pas aux consommateurs, et en particulier aux plus jeunes d’entre eux, de vérifier l’exactitude de ces éléments et est susceptible de diffuser des informations erronées dans le domaine sensible de la nutrition et de la santé publique.

La commission estime que la société X. a méconnu les dispositions de l’article 12 de la loi du 11 juillet 1978 et encourt en conséquence les sanctions prévues à l'article 18 de cette loi.

DISPOSITIF :

Article 1er : Par décision du 16 décembre 2008, la commission d’accès aux documents administratifs condamne la société X. à verser à l’Etat, en application de l’article 18 de la loi du 17 juillet 1978, une somme de 50 000 euros pour réutilisation et dénaturation d’informations publiques, en violation de l’article 12 de ladite loi, afin de vanter la qualité nutritionnelle de ses huiles.

Article 2 : La société X. assurera la publication de la sanction définie à l’article 1er dans les journaux ou magazines ayant servi de support à sa campagne publicitaire.

La société X. adressera à la CADA les pièces justifiant de l’exécution du présent article dans les 3 mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société X. et à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

Elle peut être contestée devant le Conseil d’Etat, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Délibéré, le 16 décembre 2008, sous la présidence de M. Jean-Pierre LECLERC, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la CADA, M. Jean MERLIN, conseiller à la cour de cassation, M. Philippe LIMOUZIN-LAMOTHE, conseiller maître à la cour des comptes, M. Jean MASSOT, président de section honoraire au Conseil d’Etat, et Mme Marie PICARD, Maître des requêtes au Conseil d’Etat.