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Avis 20175714 - Séance du 22/02/2018
Madame X, pour le journal X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 novembre 2017, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à sa demande de communication d'une copie des documents suivants :
1) les comptes rendus des discussions et la correspondance entre l'Agence et les fabricants de levothyroxine (dont Biogaran, Merck et Serb) depuis début 2012 ;
2) les comptes rendus des discussions internes portant sur la levothyroxine ou le Levothyrox depuis 2012 (portant notamment sur le changement de formule, le maintien du générique de Biogaran sur le marché puis de son retrait progressif, les conséquences du monopole du Levothyrox, le recours à des importations européennes) ;
3) les comptes rendus des discussions entre l'Agence et le ministère de la santé portant sur ces sujets ;
4) l'estimation réalisée par l'Agence des effets secondaires attendus liés au changement de formule ;
5) les données de pharmacovigilance sur les différentes formes de levothyroxine depuis 2012 ;
6) les comptes rendus des discussions entre l'Agence et les laboratoires concernés sur la façon de communiquer auprès des patients et des médecins,
7) les comptes rendus internes sur ces sujets ;
8) les notes relatives à l'utilisation des réseaux sociaux et/ou des requêtes internet en matière de pharmacovigilance.
Le directeur général de l'ANSM a informé la commission qu'une enquête portant sur la spécialité Levothyrox était en cours auprès des services du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille et que les documents qu'elle détient relatifs à ce sujet, ont été placés sous main de justice. Il a également indiqué qu'en réponse à la demande que lui a adressée l'ANSM, le procureur de la République a estimé, par courrier du 9 novembre 2017 qui a été transmis à la commission, que la communication des documents placés sous main de justice dans le cadre de cette affaire serait de nature à porter atteinte au bon déroulement de la procédure actuellement engagée.
La commission rappelle que les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication de documents dans l'hypothèse où celle-ci est de nature à porter atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ».
Dans sa décision du 21 octobre 2016 n° 380504 (aux tables), le Conseil d’État a jugé que si la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents, est en revanche exclue la communication des documents administratifs, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction. Le Conseil d’État a également considéré qu'il résulte des articles 40 et 41 du code de procédure pénale que, dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité.
Si la commission n'a pu prendre connaissance des documents sollicités, elle estime néanmoins, au vu des éléments transmis par l'ANSM, lesquels font craindre une atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle en cours, que les documents visés aux points 1) à 7) ne peuvent être communiqués à Madame X. Elle émet donc un avis défavorable sur ces points.
Elle relève, à toutes fins utiles, que l'ANSM a diffusé sur son site internet les deux rapports élaborés en octobre 2017 et en janvier 2018 par son comité technique de pharmacovigilance et que ceux-ci sont peut-être susceptibles d'apporter des réponses aux demandes mentionnées aux points 4) et 5).
La commission considère enfin qu'à condition que les notes relatives à l'utilisation des réseaux sociaux et/ou des requêtes internet en matière de pharmacovigilance constituent des documents généraux sans rapport avec l'enquête judiciaire en cours et que de tels documents existent, ils sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public. Elle émet donc un avis favorable au point 8) de la demande, sous ces réserves.