Avis 20185632 - Séance du 18/07/2019

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Avis 20185632 - Séance du 18/07/2019

Académie française

Monsieur X, pour X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 novembre 2018, à la suite du refus opposé par le Secrétaire perpétuel de l'Académie française à sa demande de publication en ligne, dans un format ouvert, en vue de les télécharger et de les réutiliser, de la huitième édition, achevée en 1935, et de la neuvième édition, en cours de préparation, du dictionnaire de l'Académie Française.

La commission rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du livre III de ce code, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission ».

Aux termes des articles 35 et 36 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, l'Académie française est une personne morale de droit public à statut particulier placée sous la protection du Président de la République, qui s’administre librement et bénéficie de l'autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes.

Selon l’article 24 de ses statuts, « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ». Pour mener à bien sa mission, l’Académie française doit composer un dictionnaire (article 26 des statuts).

La commission déduit de ces dispositions que le dictionnaire élaboré par l’Académie française, personne publique, dans le cadre et pour les besoins de sa mission de service public, est un document administratif dont le régime de communication et de réutilisation sont définis respectivement par les titres I et II du livre III du code des relations entre le public et l'administration.

Il en résulte, notamment, que le dictionnaire est communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve, le cas échéant, de ne pas avoir déjà fait l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article L311-2 de ce code, et du respect des droits de propriété intellectuelle protégés en vertu de l'article L311-4 du même code. A cet égard, la commission rappelle que le Conseil d’Etat a jugé que la réserve des droits de propriété littéraire et artistique qui figure à l’article 9 de la loi du 17 juillet 1978, devenu l’article L311-4, implique, avant de procéder à la communication d’un document administratif grevé de droits d’auteur n’ayant pas déjà fait l’objet d’une divulgation, au sens de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l’accord de son auteur. Par ailleurs, selon le c) de l’article L321-2 du même code, ne constituent pas des informations publiques, susceptibles de faire l'objet de réutilisation par un tiers, celles contenues dans des documents sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle.

En l’espèce, la commission estime que le dictionnaire élaboré par l’Académie française est une œuvre de l’esprit au sens de l'article L112-1 du code de la propriété intellectuelle selon lequel : « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ».

Plus précisément, elle considère que le dictionnaire est une œuvre collective dont le régime, au regard de la protection des droits d’auteur, est défini par les articles L113-2 et L113-5 du code de la propriété intellectuelle.

La commission constate, s’agissant de la huitième édition du dictionnaire (1932-1935), qu’elle a été publiée sous format papier et tirée à quelque 3000 exemplaires.

Il s’en déduit qu’elle a fait l’objet d’une divulgation de la part de son auteur et que les droits moraux de l’auteur de l’œuvre collective ne peuvent faire obstacle à sa communication. En revanche, ni cette édition papier, ni la possibilité d’accès par un moteur de recherche sur le site de l’Académie ni la possibilité d’acquérir ladite édition auprès de l’Académie, ne permettent de considérer que cette version du dictionnaire, dans sa version intégrale, est aisément accessible techniquement, géographiquement et financièrement. Elle n’a donc pas fait l’objet d’une diffusion publique, laquelle ferait échec à l’application du titre I du code des relations entre le public et l'administration.

La commission estime, en conséquence, que la huitième édition du dictionnaire de l’Académie française, dans son intégralité, est communicable à toute personne qui en fait la demande, par publication en ligne comme demandé en l’espèce et ce dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ainsi que le prévoit l’article L300-4 du code des relations entre le public et l'administration.

Cette huitième édition étant libre de droits d’auteur, ainsi que l’a précisé à la commission l’Académie, elle est réutilisable dans les conditions prévues par le titre II du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve toutefois qu’un droit d’exclusivité consenti dans le cadre de la numérisation de cette édition du dictionnaire n’y fasse pas obstacle, ce que la commission n’est pas, en l’état, en mesure d’apprécier. Elle rappelle, notamment, que selon les dispositions de l’article L322-1 du code des relations entre le public et l'administration, « Sauf accord de l'administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées » et que la réutilisation d'informations publiques peut donner lieu à l'établissement d'une licence dans les conditions définies par l’article L323-2 du même code.

La commission émet par suite un avis favorable à la demande, en tant qu’elle porte sur la huitième édition du dictionnaire de l’Académie française, sous cette réserve.

En ce qui concerne la neuvième édition du dictionnaire, la commission constate que sa rédaction débutée en 1986 n’est pas achevée. L’Académie a, en effet, fait paraître en 1992 le premier tome (de A à Enzyme), en 2000 le second tome (de Éocène à Mappemonde) et en 2011, le troisième (de Maquereau à Quotité).

La commission considère également que la circonstance que l’Académie publie par tome cette neuvième édition du dictionnaire, est sans incidence le caractère communicable des différents tomes du dictionnaire. Elle estime, en effet, que les différents tomes du dictionnaire ne constituent pas, pour l’application du droit d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, des documents administratifs autonomes, et par suite détachables, du dictionnaire, œuvre collective, dont la cohérence interne et externe ne peut s’apprécier qu’au regard de sa version achevée.

Elle émet, par suite, un avis défavorable sur ce point de la demande.