Avis 20216696 - Séance du 16/12/2021

Avis 20216696 - Séance du 16/12/2021

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 octobre 2021, à la suite du refus opposé par le secrétaire général du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à sa demande de publication en ligne sur le site internet du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ou consultation en temps réel par la population, des données brutes locales de pharmacovigilance concernant les effets secondaires de la vaccination contre le virus SARS-Cov 2 en Nouvelle-Calédonie, conformément à la procédure prévue par la délibération 46/CP du 20 avril 2011 relative à la police sanitaire et à l’organisation des vigilances des produits de santé et par l'arrêté n° 2013-3441/GNC du 10 décembre 2013 fixant les modalités de recueil et le contenu des déclarations de pharmacovigilance, de pharmacodépendance, de matériovigilance et de réactovigilance prévues par la délibération n° 46/CP du 20 avril 2011.

En l’absence de réponse exprimée par le secrétaire général du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à la date de sa séance, la Commission rappelle, à titre liminaire, que l'article L563-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) rend applicable en Nouvelle-Calédonie, dans leur version résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, un certain nombre des dispositions de ce code définissant des droits et obligations de communication concernant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de ses provinces, de ses établissements publics et ses autres organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés par ces collectivités d'une mission de service public administratif, notamment celles de ses articles L300-1 à L300-4, L311-1 à L311-9 et L312-1 à L312-2.

La Commission rappelle en outre que, d'une part, l'article L311-1 du CRPA dispose que : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ». L'article L311-6 du même code dispose en particulier : « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret des affaires (…) ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. »

La Commission rappelle, d'autre part, que l'article L311-9 prévoit que l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, notamment, par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6. L'article L312-1 du CRPA prévoit quant à lui que les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou reçoivent. Le législateur leur a par ailleurs imposé l’obligation de publier en ligne certaines catégories particulières de documents. Le 1° de l'article L312-1-1 du CRPA prévoit ainsi que les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants et les administrations dont le nombre d'agents est supérieur à 50 équivalents temps plein doivent publier les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au titre Ier du livre III du CRPA, à condition que ces documents soient effectivement disponibles sous forme électronique.

L'article L312-1-2 du CRPA dispose par ailleurs que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ».

La Commission déduit de ces dispositions que, pour pouvoir faire l’objet d’une publication (y compris par la mise en ligne sur internet) par l’administration, un document administratif doit, au regard des mentions qu’il contient, être communicable à toute personne. Lorsque les règles qui s’appliquent à la communication du document incluent les articles L311-5 et L311-6 du code précité, il ne peut être procédé à la publication de ce document que si son contenu respecte les secrets protégés par ces deux articles.

Pour pouvoir faire l’objet d’une publication par l’administration, ce document doit, en outre, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 s’agissant de la protection des données à caractère personnel, s’il comporte des données de cette nature. Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes, ou dans les trois hypothèses suivantes : - si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation ; - si les personnes intéressées ont donné leur accord ; - si les documents figurent dans la liste prévu par l'article D312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration.

La Commission rappelle par ailleurs que la pharmacovigilance, définie à l'article 7 de la délibération n° 46/CP du 20 avril 2011, a pour objet la surveillance du risque d'effet indésirable résultant de l'utilisation des médicaments et produits mentionnés aux articles L511-1 à L511-5 du code de la santé publique dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie, dont font partie les médicaments immunologiques tels que les vaccins, et repose, notamment, sur le recueil des effets indésirables signalés par les professionnels de santé, les entreprises ou organismes exploitant les médicaments, ainsi que les patients et associations agréées de patients.

La Commission comprend que la demande porte sur les signalements opérés par les professionnels de santé auprès du service de l’inspection de la pharmacie de la direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie concernant la vaccination contre le virus SARS-Cov 2.

La Commission estime que les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article L311-1 du CRPA. La Commission observe toutefois que ces documents comportent des données à caractère médical. La Commission considère que, d’une part, en vertu des dispositions du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, de telles informations ne sont communicables qu'aux intéressés, d’autre part, en vertu de l'article L311-7 de ce code, lorsque la demande de communication porte sur un document dont les mentions qui ne sont pas communicables peuvent être occultées ou disjointes, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction. Ainsi que la Commission l'avait rappelé dans une précédente demande de conseil (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013), une vigilance particulière s'impose en vue de garantir l'anonymat parfait des intéressés dans l'hypothèse d'une communication à des tiers ou d'une publication d'éléments qui pourraient permettre d'identifier les personnes concernées.

La Commission relève, à cet égard, que dans un conseil n° 20192486 du 12 mars 2020, elle a conseillé à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de ne pas mettre en ligne l'extrait de la base de pharmacovigilance qui lui était présenté compte tenu d’une étude des risques de ré-identification faisant apparaître un risque probable, au regard des trois critères de l'avis n° 5/2014 sur les techniques d'anonymisation adopté par le groupe de travail européen sur la protection des données et de la vie privée, dit « Article 29 », de ré-identification par un proche, par le médecin traitant ou par un professionnel de santé participant à leur prise en charge.. Elle relève également que dans un avis n° 20210778 du 4 février 2021, elle a également retenu l’existence d’un tel risque s’agissant de données médicales visant un faible nombre de personnes, des lieux précisément localisés et pour des cas ayant donné lieu à publicité.

La Commission précise ainsi que le risque de ré-identification doit être appréhendé compte tenu de la nature des données demandées et du contexte, c’est-à-dire en l’espèce compte tenu notamment du nombre de signalements, du taux de vaccination, de la population totale appréhendée ou encore de l’ampleur du territoire visé.

La Commission précise enfin que sont regardés comme des documents administratifs existants, au sens du livre III du CRPA, les informations qui sont contenues dans des fichiers informatiques et qui peuvent en être extraites par un traitement automatisé d’usage courant. En revanche, elle estime que, dès lors que les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel ce fichier a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut être regardé comme constituant un document administratif existant. Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document.

Au vu de ce qui précède, en l’absence de réponse du secrétaire général du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et faute de disposer de l’ensemble des données requises, la Commission estime que les documents sollicités, s'ils existent ou sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, sont publiables en ligne, sous réserve qu’il n’en résulte pas, en raison des modalités particulières de publication retenues (par zone géographique, en temps réel …) ou même en toute hypothèse, de risque de ré-identification.

Elle émet dès lors, sous cette réserve, un avis favorable.