Avis 20223031 - Séance du 02/06/2022

Avis 20223031 - Séance du 02/06/2022

Conseil départemental de la Loire-Atlantique (CD 44)

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 janvier 2022, à la suite du refus opposé par le préfet de la Loire-Atlantique à sa demande de communication, à la suite de la décision de suspension, sans traitement, de son activité X en raison du non-respect de l’obligation vaccinale contre la COVID-19, des documents suivants :
1) les textes scientifiques et juridiques qui justifient sa suspension ;
2) les recommandations faites par le cabinet X concernant la stratégie vaccinale, ainsi que les contrats signés entre le ministère des Solidarités et de la Santé et ce cabinet, ainsi que les appels d'offre relatifs à ces contrats ;
3) les études, venant des firmes productrices et de laboratoires indépendants de ces firmes, donnant les chiffres de protection par immunité acquise de ces vaccins à court, moyen et long terme ;
4) les études prouvant l’innocuité de ces vaccins à court, moyen et long terme ;
5) le détail de la composition chimique de chacun des vaccins ;
6) les études prouvant l'efficacité et l'innocuité de la combinaison de différents types de vaccins ;
7) les contrats signés par la Commission européenne avec les quatre entreprises pharmaceutiques produisant ces vaccins ;
8) les textes, délibérations, rapports et comptes rendus qui justifient le refus d’utilisation des vaccins « classiques », à « virus désactivés ».

En l’absence de réponse exprimée par le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique à la demande qui lui a été adressée, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les points 1) et 8) de la demande, qui portent en réalité sur des renseignements.

S’agissant des documents mentionnés au point 2), la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.

Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan », n° 375529, que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.

Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.).

En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.

Dans ces conditions et sous ces réserves, la commission estime, tout d’abord, que les contrats signés entre le ministère des Solidarités et de la Santé et le cabinet X, ainsi que les appels d'offre relatifs à ces contrats sont communicables à Monsieur X.

La commission estime ensuite que sont communicables les rapports produits par ce cabinet dans le cadre de ce marché et en tant qu’ils sont relatifs à la stratégie vaccinale.

Elle émet donc un avis favorable sur ce point.

S’agissant des contrats signés par la Commission européenne avec les quatre entreprises pharmaceutiques produisant ces vaccins mentionnés au point 7), la commission rappelle que les dispositions de l’article 5 du règlement 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission visent à soumettre les documents élaborés par les institutions de l’Union européenne à un régime unique, découlant exclusivement de ce règlement. Elle considère ainsi que si, aux termes de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, les dispositions du règlement n° 1049/2001 font obstacle à l'application des conditions d'accès prévues par ce livre, y compris lorsqu'ils sont détenus par les administrations françaises. Or, la Commission d'accès aux documents administratifs émet, au terme de l'article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif en application du titre Ier de ce code. Elle relève, par ailleurs, qu'elle n'a pas été rendue compétente pour connaître du règlement n°1049/2001 par l'article L342-2 du même code qui prévoit que la commission est également compétente pour connaître des questions relatives au droit d’accès à des documents administratifs résultant de textes spéciaux. Elle en déduit dès lors, selon une doctrine constante, qu'elle n'est pas compétente pour connaître des refus de communication des documents émanant d'une institution européenne détenus par les administrations mentionnées à l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle ne peut donc que se déclarer incompétente pour connaître du point 7) de la demande.

S’agissant du point 5) et du détail de la composition chimique de chacun des vaccins, la commission, qui observe que cette demande s’apparente à une demande de renseignement, relève que ces documents ont fait l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu’ils sont disponibles sur internet aux adresses suivantes :
https://ansm.sante.fr/tableau-vaccin/vaxzevria-astrazeneca
https://ansm.sante.fr/tableau-vaccin/comirnaty-pfizer-biontech
https://ansm.sante.fr/tableau-vaccin/comirnaty-adulte-pret-a-lemploi-pf…
https://ansm.sante.fr/tableau-vaccin/nuvaxovid-novavax
https://ansm.sante.fr/tableau-vaccin/jcovden-janssen
La commission en déduit que cette demande est irrecevable sur ce point.

S’agissant des études mentionnées aux points 3), 4) et 6), la commission relève, tout d’abord, que, si elles existent, ces études ont été élaborées dans le cadre des autorisations conditionnelles de mise sur le marché des vaccins contre la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) délivrée par la Commission européenne à l’issue d’une évaluation conduite par l’Agence européenne des médicaments en application du Règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004. Ces autorisations ont été accordées aux vaccins Cominarty (X) le 21 décembre 2020, Spikevax (X) le 6 janvier 2021, Vaxzevria (X) le 29 janvier 2021, et Covid-19 Vaccine Janssen (X) le 11 mars 2021. La commission s’estime toutefois compétente dans la mesure où ces documents auront été communiqués aux autorités françaises et notamment à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui a, notamment, pour mission d’assurer le suivi et la gestion des effets indésirables de ces vaccins.

La commission rappelle, ensuite, ainsi qu’elle l’a indiqué dans son conseil n° 20190911 du 5 septembre 2019, que les résultats des études cliniques qui sont produits par les fabricants auprès d’une autorité de santé à l’appui de leur demande ne peuvent relever, en principe, d’un secret protégé, aux motifs de ce qu’il résulte tant du règlement européen 536/2014 du 16 avril 2014 que de l’article L1121-15 du code de la santé publique, que les recherches impliquant la personne humaine et leurs résultats ont vocation à être rendus publics.

Par un deuxième conseil du 25 juin 2020 n° 20200953, la commission a précisé que le régime d’accès spécial prévu par l’article L1121-15 du code de la santé publique, dont les règles d’application n’ont, d’ailleurs, pas encore été édictées, ne s’applique toutefois pas à l’ensemble des documents rendant compte des résultats de la recherche du seul fait qu'ils comporteraient des éléments destinés à être rendus publics. Remises à la Haute autorité de santé dans le cadre de sa mission de service public, les études cliniques, qu’elles aient, ou non, fait l’objet d’une publication, relèvent donc du régime général de communication des documents administratifs institué par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, notamment des dispositions de l’article L311-6, qui exclut la communication à des tiers des informations couvertes par le secret des affaires.

La commission rappelle enfin qu'aux termes de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. » Elle ajoute que le Conseil d’État a jugé (CE, 8 novembre 2017, n° 375704) que ces dispositions impliquaient, avant de procéder à la communication d'un document grevé de droits d'auteur n’ayant pas déjà fait l’objet d’une divulgation au sens de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l’accord de son auteur.

La commission observe, toutefois, que si l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’accorde pas un droit d’accès à toutes les informations détenues par une autorité publique ni n’obligent l’État à les communiquer, il peut en résulter un droit d’accès à des informations détenues par une autorité publique lorsque l’accès à ces informations est déterminant pour l’exercice du droit à la liberté d’expression et, en particulier, à la liberté de recevoir et de communiquer des informations, selon la nature des informations demandées, leur disponibilité, le but poursuivi par le demandeur et son rôle dans la réception et la communication au public d’informations. Dans cette hypothèse, le refus de fournir les informations demandées constitue une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression qui, pour être justifiée, doit être prévue par la loi, poursuivre un des buts légitimes mentionnés au point 2 de l’article 10 et être strictement nécessaire et proportionnée. L’autorité publique ne peut, dans ces conditions, rejeter une demande pour un motif tel que le secret des affaires ou la réserve attachée aux droits de propriété intellectuelle, qu’après avoir apprécié l’intérêt d’une telle communication.

Dans ces conditions, la commission relève, en premier lieu, que le demandeur conteste l’obligation vaccinale qui lui a été opposée. Elle observe que, bien qu’il ne soit pas journaliste ou lanceur d’alerte, l’intérêt légitime du demandeur s’inscrit dans le débat général d’intérêt public en temps de pandémie relatif à la vaccination contre la COVID-19 et à l’obligation vaccinale dont ont fait l’objet certaines professions de santé. Elle en déduit que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la protection de secret des affaires ne constitue pas un motif suffisant pour s’opposer à la communication des documents mentionnés aux points 3), 4) et 6).

En second lieu, la commission estime, en l’espèce, que les études dont il est demandé communication doivent être considérées, au sens de l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, qui inclut en son 1° les écrits scientifiques, comme une œuvre de l’esprit protégée par des droits d’auteur. Elle en déduit, par suite, que sa transmission à la Commission européenne et à l’ANSM ne peut être tenue comme épuisant le droit de divulgation. Toutefois, elle estime que quand bien même le droit patrimonial d’auteur qui s’attache aux études demandées, pourrait faire obstacle à une telle communication, ce refus ne peut être opposé en l’espèce, eu égard à l’intérêt public servi par la communication d’études sur l'efficacité et l'innocuité des vaccins contre le virus de la COVID-19.

Elle émet donc un avis favorable sur les points 3), 4) et 6).

La commission rappelle que si, en application du sixième alinéa de l'article L311-2 du code des relation entre le public et l’administration, il appartient au président du conseil départemental de la Loire-Atlantique de transmettre la demande accompagnée du présent avis à l'autorité administrative susceptible de le détenir, et d'en aviser Monsieur X, la commission précise toutefois que ce dernier a également saisi d’une même demande le ministère des Solidarités et de la Santé et le préfet de la Loire-Atlantique.