Mots clés
Avis 20223284 - Séance du 07/07/2022
Maître X, conseil de la SCI X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 mai 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Saint-Bénézet à sa demande de communication des documents suivants :
1) toutes les factures émises par le groupement de maîtrise d’œuvre solidaire dans le cadre du marché public « construction d’une école comportant deux classes » ;
2) les factures correspondant aux deux montants annoncés dans les délibérations des 17 décembre 2018 et 18 janvier 2019, à savoir 19.822,21 euros et 8.748,84 euros.
1. Sur la recevabilité de la demande :
La Commission rappelle que, conformément aux dispositions combinées des articles L342-1 et R311-12 du code des relations entre le public et l’administration, elle ne peut être saisie par une personne qu’en cas de refus opposé par une autorité administrative à une demande de communication d'un document administratif. Aux termes de l'article L311-14 du code des relations entre le public et l’administration, « toute décision de refus d'accès aux documents administratifs est notifiée au demandeur sous la forme d'une décision écrite motivée comportant l'indication des voies et délais de recours » et aux termes des articles R311-15 et R343-1 du même code, l'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus, ou de l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception de la demande par l'administration compétente, pour saisir la commission.
Elle souligne, également et d'une part, que le non-respect du délai de deux mois de saisine de la commission a pour conséquence son irrecevabilité ainsi que celle d’un éventuel recours contentieux ultérieur (CE, sect., 25 juillet 1986, n° 34278) et, d'autre part, que ce délai se décompte comme en matière contentieuse, soit deux mois à compter de la date de notification effective de la décision de refus si elle comporte la mention de la possibilité de saisir la commission et du délai de saisine, soit trois mois à compter de l'accusé de réception de la demande de communication par l'administration, sous réserve que cet accusé de réception comporte les mêmes indications.
Elle note en revanche que le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code des relations entre le public et l’administration.
Elle rappelle que, par une décision du 31 mars 2017 (n° 389842), le Conseil d’État a néanmoins précisé que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable.
Elle rappelle enfin que, par une décision du 18 mars 2019 (n° 417270), le Conseil d’État a ajouté, pour l’application du délai raisonnable s’agissant des recours juridictionnels, que les règles en la matière sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision.
La Commission estime qu’il en va de même en cas de décision implicite de rejet s’agissant du recours administratif dont elle a la charge.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Saint-Bénézet a indiqué à la Commission ne pas avoir reçu de demande officielle de Maître X, par mail ou par courrier recommandé, et qu’aucun fax « valide » n’a été communiqué à la mairie, ce moyen de communication n’étant pas utilisé.
La Commission relève toutefois des éléments portés à sa connaissance que Maître X a adressé sa demande par fax du 18 juillet 2019, dont elle produit l’accusé de réception, et qu’il n’est pas contesté que l’adresse du destinataire, indiquée sur ce document, correspondait bien à l’une de celles détenues par la commune, de sorte que sa saisine de la Commission ne peut être regardée comme irrecevable en l’absence de demande préalable.
Par ailleurs, le maire de Saint-Bénézet souligne le délai de trois ans s’étant écoulé entre la date de la demande et celle de la saisine de la Commission.
La Commission relève toutefois que l’accusé de réception du fax susmentionné ne comporte pas les mentions figurant à l’article L311-14 du code des relations entre le public et l’administration, ni ne précise d’ailleurs les conditions de naissance d'une décision implicite. Elle relève également qu’il ne résulte d’aucun élément porté à sa connaissance que Maître X aurait eu connaissance de la décision de refus opposée par le maire de Saint-Bénézet. Dans ces conditions, ni le délai de deux mois prévu par à l’article R311-15 du même code, ni le délai raisonnable susmentionné, ne sont opposables à Maître X, de sorte que sa saisine de la Commission ne peut être regardée comme irrecevable car tardive.
La Commission invite néanmoins Maître X, dans un souci de bonne administration et afin de conférer une pleine utilité à son intervention, à faire preuve à l’avenir d’une plus grande célérité dans ses démarches.
2. Sur le bien-fondé de la demande :
La Commission rappelle qu'il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux ». L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La Commission précise que si l'article L2121-26 du CGCT a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
La Commission estime, dès lors, que les factures afférentes à un marché public conclu par une commune, en tant que pièces justificatives des comptes, eu égard à l’intérêt qui s’attache à la communication des informations qu’elles contiennent pour satisfaire à l’objectif fixé par le législateur en matière d’information sur la gestion communale, sont communicables sur le fondement des dispositions précitées du CGCT, sous réserve toutefois de l’occultation des mentions couvertes par le secret industriel et commercial (Conseil de partie II, n° 20221455, du 21 avril 2022, revenant sur la solution dégagée dans le Conseil de partie I, n° 20161995 du 12 mai 2016). A ce titre, le détail des prix, susceptible, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé, doit être occulté.
Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable au point 1) de la demande, ainsi qu’à son point 2) si les factures mentionnées sont distinctes de celles mentionnées au point précédent.