Mots clés
Avis 20242501 - Séance du 30/05/2024
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 avril 2024, à la suite du refus opposé par le préfet de la Haute-Vienne à sa demande de communication des listes électorales en cours de validité de l'ensemble des communes de la Haute-Vienne, conformément aux dispositions de l'article L37 du code électoral.
I. Rappel du cadre juridique :
La commission rappelle que l'article L37 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016, dispose que : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. (...) ». Ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans son arrêt du 2 décembre 2016, n° 388979, ces dispositions, qui ont pour objet de concourir à la libre expression du suffrage, ouvrent au profit de tout électeur, régulièrement inscrit sur une liste électorale, le droit de prendre communication et copie de la liste électorale d’une commune. La demande doit être adressée à la mairie. Si elle porte sur plusieurs communes d'un département, elle peut l'être à la préfecture de ce département.
La commission relève, en premier lieu, que la communication des listes électorales est subordonnée à la condition que le demandeur fasse la preuve de sa qualité d'électeur. La commission estime, dans le silence des textes, que la preuve de la qualité d’électeur peut se faire par tout moyen, sans qu’il y ait lieu d’exiger la production d’un titre d’identité ou de la carte d’électeur. Elle considère qu’une attestation sur l’honneur peut suffire, dès lors que le demandeur produit les éléments permettant à l’administration de vérifier l’effectivité de son inscription sur une liste électorale, à savoir ses nom et prénom(s) et le nom de la commune où il allègue être inscrit.
La commission précise, en second lieu, que le législateur a subordonné l'exercice du droit d'accès aux listes électorales à l'engagement, de la part du demandeur, de ne pas en faire un usage commercial afin d'éviter toute exploitation commerciale des données personnelles. La commission considère dès lors que l'autorité compétente est fondée à rejeter la demande de communication dont elle est saisie s'il existe, au vu des éléments dont elle dispose, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial. La commission souligne en revanche que les dispositions du code électoral ne subordonnent pas la communication des listes électorales à l’utilité du but poursuivi par le demandeur.
La commission considère que le caractère purement commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie notamment au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, la forme juridique retenue par le demandeur pour poursuivre cet objectif et l'existence ou l'absence de ressources tirées de cet usage constituant à cet égard de simples indices. A cet effet, la commission estime qu'il est loisible à l'autorité compétente de solliciter du demandeur qu'il produise tout élément d'information de nature à lui permettre de s'assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu'un usage conforme aux dispositions de l'article L37 du code électoral. L'absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte, parmi d'autres éléments, par l'autorité compétente afin d'apprécier, sous le contrôle du juge, les suites qu'il convient de réserver à la demande dont elle est saisie.
II. Application au cas d’espèce :
En l’espèce, le préfet de la Haute-Vienne a déduit de l’activité professionnelle de Monsieur X, qui dirige un cabinet d’enquêtes et investigations privées, que l’usage qu’il fera des listes électorales sollicitées risque de revêtir un caractère commercial.
La commission observe toutefois que le demandeur a justifié de sa qualité d'électeur et a certifié ne pas formuler sa demande dans un but commercial en indiquant, dans sa saisine adressée à l’autorité préfectorale, vouloir réaliser une recherche personnelle sur les occurrences de certains prénoms, dénuée de tout lien avec son activité professionnelle.
La commission souligne que le fait que la demande de Monsieur X soit motivée par des recherches personnelles, dépourvues de lien avec le processus électoral et dont le préfet de la Haute-Vienne estime qu’elles pourraient être menées par d’autres moyens, n’est pas de nature à fonder légalement un refus de communication au regard des dispositions de l’article L37 du code électoral.
Elle considère par ailleurs que l'activité professionnelle de Monsieur X ne permet pas à elle seule, en l’absence de tout autre élément, de considérer que l'usage des listes sollicitées risquerait de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial en méconnaissance de l’attestation fournie par le demandeur.
La commission relève, enfin, que l’article L37 du code électoral réprime l’usage commercial d'une liste électorale ou d'une liste électorale consulaire par une amende de 15 000 euros. Elle ajoute que Monsieur X, en tant que réutilisateur des listes électorales communiquées, devra se conformer aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et du règlement général sur la protection des données (RGPD) dès lors qu'il sera alors regardé comme un responsable de traitement de données à caractère personnel. Il devra notamment s'assurer que l'usage qu'il entend faire de la liste respecte les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel, les conditions de licéité d'un tel traitement et les droits des personnes concernées, définis respectivement aux articles 5, 6, 7 et au chapitre III du RGPD.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable à la demande.