Avis 20243881 - Séance du 05/09/2024

Avis 20243881 - Séance du 05/09/2024

§ Mairie de Jouy-en-Josas

Monsieur X, pour l'association X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 3 juin 2024, à la suite du refus opposé par le maire de Jouy-en-Josas à sa demande de communication, en sa qualité de conseiller municipal, d'une copie des documents suivants :
1) les contrats de licence de marque signés entre le musée municipal de la Toile de Jouy et des partenaires ou clients ;
2) les factures libellées à cette occasion et qui forment le chiffre d’affaires comptabilisé dans le compte administratif de la commune.

A titre liminaire, la commission, qui a pris connaissance des observations du maire de Jouy-en-Josas, rappelle qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.

La commission constate que la commune de Jouy-en-Josas, au travers de son musée de la Toile de Jouy, service municipal en régie sans personnalité juridique, est propriétaire de motifs originaux créés par la manufacture Oberkampf et a déposé auprès de l’INPI, notamment, une marque « Collection Musée de la Toile de Jouy ». La commune met certains de ces motifs à disposition d’entreprises, avec lesquelles elle conclut des contrats d’exploitation d’archive et de licence de marque, donnant lieu à redevance.

En premier lieu, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit un droit d’accès aux documents administratifs, définis à l’article L300-2 comme l’ensemble des documents produits ou reçus par les autorités administratives, notamment les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs missions de service public. La commission précise que la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a inséré dans le même code un article L300-3 en vertu duquel les dispositions de ce code relatives à l’accès aux documents administratifs, à la réutilisation des informations publiques et à la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs s’appliquent également aux documents relatifs à la gestion du domaine privé de l’État et des collectivités territoriales.

Par conséquent, si le maire de Jouy-en-Josas fait valoir que les éléments incorporels susceptibles de faire l’objet d’une propriété publique tels que des marques de fabrique relèvent du domaine privé de la commune, cette circonstance ne fait pas obstacle à l’exercice du droit d’accès aux documents s’y rapportant ni à la compétence de la commission pour se prononcer sur le refus de communication des actes de gestion par la commune de tels droits incorporels, en vertu de l’article L300-3 du code des relations entre le public et l'administration.

En deuxième lieu, le maire de Jouy-en-Josas indique que certains des éléments contenus dans les contrats et factures sollicités sont protégés par le secret des affaires des entreprises co-contractantes comme par le secret des affaires du musée de la Toile de Jouy.

A cet égard, la commission rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration que le secret des affaires comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles. Il s’apprécie en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public est soumise à la concurrence, et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Aux termes de cet article est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».

Dans son avis de partie II n° 20224385 du 13 octobre 2022, réitéré dans ses avis de partie II n° 20232210 à 20232215 du 1er juin 2023, la commission a estimé que les articles L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et L151-1 du code du commerce ne sauraient faire l’objet d’une lecture « combinée » mais cumulative. Ainsi, une information ne relève du secret des affaires qu’à la condition de répondre à la définition prévue à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et de satisfaire aux conditions posées à l’article L151-1 du code de commerce.

Par ailleurs, la commission réaffirme sa doctrine selon laquelle, si le secret des affaires bénéficie, en principe, à toute personne dès lors que celle-ci déploie son activité, en tout ou partie, en milieu concurrentiel, celui-ci est nécessairement interprété de manière plus large s'agissant des organismes qui exercent exclusivement une activité concurrentielle. Elle estime ainsi de manière constante que les documents relatifs aux conditions d’exercice des missions de service public des personnes publiques sont intégralement communicables, sans que puisse être opposé ce secret et nonobstant le fait que leur activité s’inscrive dans un environnement concurrentiel.

Ainsi, les documents administratifs comportant des données économiques ou financières en lien avec l’activité d’une personne chargée d’une mission de service public dont l’objet principal n’est ni industriel ni commercial, ont pour vocation première de retracer les conditions dans lesquelles cette personne exerce sa mission de service public. Quand bien même ces documents refléteraient des orientations stratégiques d’une activité exercée dans un contexte concurrentiel, ils sont dès lors regardés comme étant intégralement communicables à toute personne qui en fait la demande, sans que puisse être opposé le secret des affaires.

En l’espèce, la commission observe d’abord que les modèles-types de contrat et les grilles tarifaires des redevances sont adoptés par délibérations du conseil municipal. Après avoir pu prendre par ailleurs connaissance d’un exemple de contrat conclu et de factures, elle constate que ces documents ne comportent pas de mention dévoilant des procédés, des savoir-faire, des techniques de fabrication ou des travaux de recherche dont pourrait se prévaloir la commune. Il n’apparaît pas davantage que ces documents révèleraient une stratégie commerciale de la part de la commune. Enfin, les mentions relatives aux montants perçus par la commune grâce à l’exploitation commerciale des motifs et de la marque dont elle est propriétaire rendent compte des conditions d’exercice des missions de service public de la commune et ne peuvent dès lors être rattachées à un secret des informations économiques et financières.

La commission considère par suite que ne peut être invoqué un secret des affaires du musée de la Toile de Jouy pour refuser légalement la communication de tout ou partie des documents sollicités.

En revanche, cette communication ne peut intervenir que dans le respect du secret des affaires des entreprises co-contractantes. La commission estime ainsi que dans l’exemple de contrat conclu dont elle a pu prendre connaissance, doivent être occultés à ce titre les mentions détaillant les produits de la société qui utiliseront des motifs Toile de Jouy (articles 1.1 et 2.3 ; annexe 3), les mentions identifiant le motif en cause (article 2.1 et annexe 2), les mentions décrivant la manière dont les produits et leurs emballages signaleront la marque du musée associée à celle de la société et les visuels correspondants (article 4.1), les mentions relatives aux modalités de diffusion par la société de ses produits (articles 5.1 et 7.4), les prix unitaires de vente publics et les prix unitaires d’achat par la commune (article 7.2) ainsi que les conditions générales de vente de la société (annexe 4) si elles ne font pas déjà l’objet d’une publicité assurée par la société elle-même.

En ce qui concerne les factures, la commission considère que doivent être occultées à ce titre les désignations des produits ainsi que les quantités vendues.

Elle précise enfin que les coordonnées bancaires d’une personne physique ou morale, quel que soit son statut, public ou privé, ne relèvent pas du droit d'accès garanti par le livre III du code des relations entre le public et l'administration (avis de partie II n°20237096 du 11 janvier 2024) et doivent dès lors être occultées avant communication.

La commission émet par suite un avis favorable à la demande, sous ces réserves.