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Conseil 20247637 - Séance du 30/01/2025
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 30 janvier 2025 votre demande de conseil relative au caractère obligatoire, au regard des dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration, de la mise en ligne sur le site du département des décisions de recours à l’emprunt auxquelles sont notamment joints les contrats de prêts et tableaux d’amortissement afférents et aux conditions dans lesquelles cette mise en ligne, si elle est obligatoire, doit être effectuée.
A titre liminaire, la commission vous rappelle qu’elle considère que la décision d’une collectivité territoriale de recourir à l’emprunt comme les contrats d'emprunt souscrits par cette collectivité, même s’ils sont en principe soumis à un régime de droit privé, revêtent le caractère de documents administratifs, dès lors que de tels contrats se rapportent aux ressources de la collectivité publique ainsi qu'à ses frais financiers, et qu’ils doivent être, à ce titre, regardés comme ayant été conclus par celle-ci dans le cadre de sa mission de service public.
1. Caractère obligatoire pour le département de publier en ligne une décision de recours à l’emprunt
En premier lieu, la commission observe que, depuis le 1er juillet 2022, l’article L3131-1 du code général des collectivités territoriales impose une publication sous forme électronique des actes réglementaires et des décisions ne présentant ni un caractère réglementaire, ni un caractère individuel pris par les autorités départementales. Cette publication est de nature à garantir l’authenticité des actes et à assurer leur mise à disposition du public de manière permanente et gratuite.
L’article R3131-2 du même code précise les modalités de cette publication. Aux termes de ces dispositions, les actes concernés sont « mis à la disposition du public sur le site internet du département dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions propres à en assurer la conservation, à en garantir l'intégrité et à en effectuer le téléchargement. La version électronique de ces actes comporte la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur ainsi que la date de mise en ligne de l'acte sur le site internet du département. La durée de publicité de l'acte ne peut pas être inférieure à deux mois ».
Toutefois, la commission vous indique qu’elle n’a pas reçu compétence pour se prononcer sur l’application de ces dispositions, auxquelles l’article L342-2 du code des relations entre le public et l’administration ne renvoie pas.
En deuxième lieu, la commission vous rappelle que l’article L312-1-1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2, à l'exception des personnes morales dont le nombre d'agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret, publient en ligne les documents administratifs suivants : 1° Les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au présent titre, ainsi que leurs versions mises à jour ; / 2° Les documents qui figurent dans le répertoire mentionné au premier alinéa de l'article L322-6 ; / 3° Les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu'elles produisent ou qu'elles reçoivent et qui ne font pas l'objet d'une diffusion publique par ailleurs ; / 4° Les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. / Le présent article ne s'applique pas aux collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants. »
La commission estime que la publication d’une décision de recours à l’emprunt par une collectivité, qui reflète une part de ses dépenses d’investissement et traduit nécessairement des choix économiques, présente un intérêt économique au sens du 4° de l’article L312-1-1 du code des relations entre le public et l’administration. Elle en déduit que la publication d’une telle décision sur le site internet du département revêt un caractère obligatoire.
La commission souligne en outre qu’elle conseille de publier systématiquement, conformément à la loi, tous les documents produits ou signés présentant un intérêt potentiel pour le public (notamment les comptes et documents budgétaires, les comptes rendus des réunions des conseils municipaux et du conseil communautaire, les documents intéressant les grands sujets de la vie locale, qu'il s'agisse des arrêtés et délibérations, des taxes locales, des grands projets locaux d'infrastructures ou de travaux publics, de l'urbanisme, des projets ayant un impact sur l'environnement, des subventions aux associations) et toutes les bases de données, après en avoir extrait les informations qui ne seraient pas publiques, soit celles qui doivent être préalablement occultées en vertu des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, soit celles qui sont grevées d'un droit de propriété intellectuelle, ainsi qu'un répertoire.
2. Modalités de publication
La commission vous rappelle que la publication en ligne de documents administratifs par l’administration doit en principe s’effectuer dans le respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. / Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / (...) ». Cette liste figure à l'article D312-1-3 du même code.
La commission déduit de ces dispositions, que, pour pouvoir faire l’objet d’une publication en ligne sur le site internet de l’administration, un document administratif doit d’abord être communicable à toute personne, au regard des mentions qu’il contient. Doivent ainsi être préalablement occultées les mentions dont la communication porterait atteinte à l’un des secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, notamment le secret des affaires.
A cet égard, la commission rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article L311-6 de ce code que le secret des affaires comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles. Ce secret s’apprécie en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public est soumise à la concurrence, et eu égard à la définition donnée à l’article L151-1 du code de commerce. Aux termes de cet article est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; / 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; / 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ».
En l’espèce, la commission estime, d’une part, que les mentions traduisant la stratégie commerciale de l’organisme prêteur et reflétant les négociations menées, telles que les conditions de remboursement anticipées du prêt, relèvent du secret des affaires de l’organisme prêteur et qu’elles ne sont pas nécessaires à l’objectif d’information du public sur la gestion départementale. Il en va de même du tableau d’amortissement annexé à la décision de recours à l’emprunt, comme du contrat d’emprunt lui-même. Elle vous précise, par suite, que ces mentions et ces documents ne peuvent pas faire l’objet d’une mise en ligne.
En revanche, la commission considère que le montant du prêt, sa durée et le taux d’intérêt auquel il a été consenti ne doivent pas être occultés avant mise en ligne, dès lors que ces mentions sont nécessaires à l’information du public pour connaître le coût total de l’emprunt et ses modalités de remboursement.
Tels sont, en l'état des informations que vous avez portées à sa connaissance, les éléments de réponse que la commission est susceptible de vous apporter.