Conseil 20150661 - Séance du 19/03/2015
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 19 mars 2015 votre demande de conseil relative au caractère communicable du dossier médical d'un patient décédé à sa sœur, qui souhaite connaître les causes de la mort, alors que leur mère est encore vivante et que vous n'avez pas connaissance que le défunt ait eu un conjoint ou des descendants.
La commission relève que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès.
Par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical.
La commission considère que les personnes bénéficiant de la qualité d’ayants droit du défunt au sens de ces dispositions sont les mêmes que celles qui présentent la qualité d’héritier ayant, par application des règles générales du code civil en matière de successions et de libéralités, une vocation universelle ou à titre universel à la succession du patient décédé. Il s’agit dans tous les cas, des successeurs légaux du défunt, déterminés conformément au articles 731 et suivants du code civil, ainsi que l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne.
La commission rappelle, à cet égard, que la composition de l’ordre successoral varie selon que survive, ou non, au défunt, un conjoint successible.
En l’absence de conjoint successible, les règles de successions sont déterminées par l’article 734 du code civil, qui prévoit que « les parents sont appelés à succéder ainsi qu’il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants. ». Au sein du second ordre d’héritiers, qui n'est voué à succéder au défunt qu'en l’absence de descendance de l’intéressé, la dévolution successorale est régie par les dispositions de l’article 738 aux termes desquelles : « lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants. Lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et sœurs ou à leurs descendants. ».
La commission déduit de ces dispositions qu'en l'absence de conjoint successible et de descendance du défunt, les frères et sœurs de l'intéressé ou les descendants de ces derniers, sont appelés à lui succéder en concours avec ses père et mère selon les règles fixées par cet article, qui sont à combiner avec les règles relatives à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. Elle précise, dans cette hypothèse, que si l’article 744 dispose qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés, cet article, qui ne peut avoir d’effet qu’au sein d’une même ligne d’héritiers, ne saurait exclure de la succession les héritiers en ligne collatérale que sont les frères et sœurs du défunt, au profit des seuls héritiers en ligne directe que sont ses père et mère. Elle souligne, en revanche, ainsi qu’elle l’a fait dans son précédent avis n° 20121675 du 5 avril 2012, que par application des articles 756 et suivants du code civil, la présence du conjoint successible prive de la qualité d'ayant droit les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers.
Au cas d'espèce, sous réserve que le patient décédé n'ait ni descendance, ni conjoint successible, la commission estime que la présence de la mère du patient décédé ne prive pas la sœur de ce dernier de la qualité d'ayant droit au sens de l'article 734 du code civil. Celle-ci est donc fondée à accéder, en vertu de l'article L1110-4 du code de la santé publique, aux informations nécessaires à l'objectif qu'elle poursuit, à savoir connaître les causes de la mort du défunt.
La commission rappelle, à toutes fins utiles, que l’article 730 du code civil dispose que la qualité d’héritier s’établit par tous moyens. Par suite, elle estime que la qualité d’ayant droit peut elle-même s’établir par tous moyens pour l’application de l’article L1110-4 du code civil. Si, s’agissant des enfants du patient décédé, qui ont toujours cette qualité, la production d’une copie d’acte de naissance ou du livret de famille est suffisante, il revient à l’autorité qui détient le dossier du patient, s'agissant des autres ayant droit, d’apprécier la nécessité de pièces complémentaires. Dans les situations les plus complexes ou les plus incertaines, un acte de notoriété établi par notaire conformément aux articles 730-1 à 730-5 du code civil lui permettra de s’assurer de la qualité du demandeur.