Avis 20181477 - Séance du 12/07/2018
Madame X, ancienne épouse de Monsieur X, a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 mars 2018, du refus opposé par la direction générale des finances publiques à sa demande de communication des documents suivants concernant la procédure de contrôle fiscal effectuée par les services de la DGFIP relatifs à l'impôt sur le revenu des années 1997 et 1999 au nom de Monsieur ou Madame X, notamment :
1) les avis de vérification relatifs à ces mêmes années ;
2) les propositions de redressement ou de rectification n° 3924-SD ou 2120-SD ;
3) les lettres n° 3926-SD « Réponse aux observations du contribuable » ;
4) la lettre de motivation des sanctions fiscales.
En l'absence de réponse du directeur général des finances publiques à la date de sa séance, la commission relève que le Conseil d'État a jugé, s'agissant d'une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par l’article 1724 quater du code général des impôts à l’encontre d’une société qui n’a pas procédé aux vérifications prévues à l'article L8222-1 du code du travail, que le droit d'accès à l'avis de mise en recouvrement n'entre pas dans les prévisions du livre III du code des relations entre le public et l'administration dès lors que, lorsque l’administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en œuvre une solidarité de paiement, elle est tenue de lui adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l’article R256-1 du livre des procédures fiscales, dont la communication a un objet distinct de celui de ce code. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d’obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations correspondant au paiement solidaire desquels il est tenu, afin de garantir à l’intéressé la possibilité d’un recours juridictionnel effectif, dans le respect de la réserve d’interprétation à laquelle le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, subordonné la conformité à la Constitution du deuxième alinéa de l'article L8222-2 du code du travail. En conséquence, l’administration est tenue de faire droit à la demande du débiteur solidaire d'obtenir communication de l'avis de mise en recouvrement, sans pouvoir subordonner cette communication au respect des règles et conditions prévues par le code des relations entre le public et l'administration, notamment sans pouvoir exiger le paiement de frais (CE, 6 juin 2018, Société BT X, n° 418863, à publier au Recueil). Ainsi que l'éclairent les conclusions du rapporteur public, cette jurisprudence découle du caractère supplétif du code des relations entre le public et l'administration au regard des garanties prévues par le livre des procédures fiscales en cas de contestation des impositions ainsi que du caractère indispensable de la communication des documents en cause pour l’exercice d’un recours utile.
La commission prend acte de cette décision et abandonne en conséquence sa doctrine antérieure relative à la communication de documents fiscaux sur le fondement de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, lorsqu'elle est sollicitée dans le cadre d'une procédure de redressement en cas de solidarité de paiement. Elle estime, en effet, que les principes dégagés par la décision X, dans le cadre d'un contentieux de recouvrement dans lequel était en jeu une solidarité de paiement, sont également applicables à un contentieux d'assiette. Elle sera ainsi appelée à se déclarer incompétente lorsque le demandeur bénéficie de garanties particulières prévues par le livre des procédures fiscales, qui constituent une législation spéciale.
En l'espèce, la commission relève que la demande s'inscrit dans le cadre d'une obligation solidaire de paiement entre anciens époux. La commission comprend des documents joints à la demande qu'une rupture de la vie commune a eu lieu entre Madame X et Monsieur X et que Madame X est, à la date de la demande, tenue solidairement au paiement des cotisations supplémentaires et pénalités susceptibles d'être mises en recouvrement au titre des années 1997 et 1999.
La commission, rappelle, qu'en application du I de l'article 1691 bis du code général des impôts, les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. Ce principe ne vaut que pour la période d'imposition commune et autorise le comptable du Trésor à poursuivre indifféremment auprès de l'un ou l'autre des époux le recouvrement de la totalité de l'impôt sur le revenu et des pénalités mis à la charge du foyer fiscal (CE, 17 mai 2013, Mme X, 348892, mentionné aux Tables). Aux termes des dispositions combinées des article L9, L54 et L54 A du livre des procédures fiscales, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer, à l'exclusion des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre. Le législateur a, par ces dispositions, entendu donner à chacun des époux qualité pour suivre les procédures relatives à l’imposition commune due à raison de l’ensemble des revenus du foyer, quand bien même les intéressés seraient, à la date de ces procédures, séparés ou divorcés, les époux étant réputés se représenter mutuellement dans les instances relatives à la dette fiscale (CE, 17 mai 2000, X, n° 191387: RJF 7-8/00 n° 963 ; 20 octobre 2010, X, n° 312461: RJF 1/11 n° 100).
Ainsi, dans le cadre particulier d'une obligation solidaire de paiement entre anciens époux, la mise en œuvre, en cas de redressement portant sur la période d'imposition commune postérieure à la séparation de ceux-ci, s'appuie sur des dispositions du livre des procédures fiscales qui ne prévoient pas de notification individuelle des avis de vérification, propositions de rectification, réponse aux observations du contribuable et avis de mise en recouvrement. La situation en cause se distingue donc, sur ce point, de la décision X.
Toutefois, par sa décision n° 2015-503 QPC du 4 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a jugé que la seconde phrase de l'article L54 A du livre des procédures fiscales était conforme à la Constitution sous réserve que, pour les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies à compter de la date de publication de cette décision, l'avis de mise en recouvrement soit adressé à chacune des personnes précédemment soumises à imposition commune, lorsqu'elles font l'objet d'une imposition distincte à la date de notification de l'avis de mise en recouvrement, émis aux fins de recouvrer des impositions supplémentaires établies sur les revenus perçus par le foyer au cours de la période d'imposition commune. Le Conseil constitutionnel a entendu ainsi garantir le droit à un recours juridictionnel effectif de chacune de ces personnes, supposant que chacune d'elles soit mise à même d'exercer son droit de former une réclamation contentieuse, dès lors qu'elle a informé l'administration fiscale du changement de sa situation matrimoniale, de ses liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de sa résidence et, le cas échéant, de son adresse. Pour la période antérieure à la publication de cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que la mise en jeu de la responsabilité solidaire de l'une des personnes antérieurement soumises à imposition commune, par le premier acte de recouvrement forcé pour obtenir le paiement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de la période de cette imposition commune, dès lors qu'elle n'a pas été destinataire de la décision d'imposition, doit être regardée comme constituant un évènement lui ouvrant un délai propre de réclamation sur le fondement de l'article L190 du livre des procédures fiscales.
La commission en déduit que, s'agissant des revenus autres que les bénéfices agricoles, bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux, la personne liée par une obligation solidaire de paiement d'un impôt avec son ancien époux ou partenaire qui fait l'objet d'une imposition distincte à la date du premier acte de recouvrement forcé pour obtenir le paiement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de la période de cette imposition commune, ne bénéficie pas, lorsque cet acte est antérieur à la date de publication de la décision n° 2015-503 QPC du 4 décembre 2015 du Conseil constitutionnel, des garanties particulières prévues par le livre des procédures fiscales susceptibles de faire obstacle à l'application du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, notamment son article L311-6. Elle est donc fondée à demander la communication des documents relatifs à une procédure de rectification notifiés à un seul des époux solidairement tenus au paiement en application des dispositions de l'article L311-6 de ce code. En revanche, si le premier acte de recouvrement forcé est postérieur au 4 décembre 2015, seules les dispositions particulières prévues par le livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par la décision précitée du Conseil constitutionnel, sont applicables.
En l'espèce, le dossier ne permet pas de déterminer la date du premier acte de recouvrement forcé. La commission émet donc un avis favorable à la demande si le premier acte de recouvrement forcé pour obtenir le paiement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de la période de cette imposition commune est antérieur à la publication de la décision n° 2015-503 QPC. Si, en revanche, cet acte est intervenu postérieurement au 4 décembre 2015, elle ne peut que se déclarer incompétente.