Avis 20191602 - Séance du 26/09/2019
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 mars 2019, à la suite du refus opposé par le maire de Franconville à sa demande de communication en ligne, au format PDF texte (non scanné) ou tout autre format texte riche (Word, etc.), des comptes rendus complets du conseil municipal de Franconville (tels qu'approuvés par le conseil municipal, c'est-à-dire comportant la retranscription des débats), pour l'ensemble des séances du 4 avril 2014 au 20 décembre 2018 incluses.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du maire de Franconville, rappelle d'une part, que l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dispose que : « L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; 2° Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; 3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique ; 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6. » En complément de la possibilité de demander la consultation ou l’envoi d’un document administratif sous format papier ou numérique, la loi sur une République numérique a donc introduit une quatrième modalité de communication par la mise en ligne sur internet du document sollicité.
La commission rappelle, d'autre part, que l’article L312-1 du CRPA prévoit que les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou reçoivent. Le législateur leur a par ailleurs imposé l’obligation de publier en ligne certaines catégories particulières de documents. Le 1° de l'article L312-1-1 du CRPA prévoit ainsi que les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants et les administrations dont le nombre d'agents est supérieur à 50 équivalents temps plein doivent publier les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au titre Ier du livre III du CRPA, à condition que ces documents soient effectivement disponibles sous forme électronique.
La publication en ligne de documents administratifs par l’administration ne peut toutefois s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du CRPA, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. / Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ». En application des dispositions de l'article D. 612-1-3 du même code : "Les documents et informations mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 et qui sont communicables ou accessibles à toute personne, sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 et d'autres dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, peuvent être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement prévu au deuxième alinéa de l'article L. 312-1-2, lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories suivantes : "(...) 6° Les documents nécessaires à l'information du public relatifs aux conditions d'organisation et d'exercice de la vie politique, notamment le répertoire des élus, à l'exception des informations prévues au 2° du I de l'article 5 du décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 relatif à la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés "Application élection" et "Répertoire national des élus ; (...)".
La commission rappelle enfin qu'aux termes du premier alinéa de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux. ». Ce texte constitue une législation spéciale qui déroge au régime de droit commun d’accès aux documents administratifs prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration. En effet, le Conseil d’État a jugé, dans sa décision n° 303814 Commune de Sète du 10 mars 2010 que ces dispositions instituent un régime particulier et autonome de communication, en vertu duquel les exceptions au droit d’accès prévues par les articles L311-5 et L311-6 du CRPA ne sont pas opposables à une demande présentée sur leur fondement.
Il résulte cependant de cette décision, rendue à propos d’un arrêté individuel d’attribution de primes liées à la manière de servir, que ces dispositions du CGCT ne sauraient être interprétées, eu égard à leur objectif d’information du public sur la gestion municipale, comme prescrivant la communication des arrêtés portant des appréciations d’ordre individuel sur les fonctionnaires communaux. La commission a estimé que les objectifs de transparence de la vie locale ne justifiaient pas qu'il soit dérogé au secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), au secret de la vie privée (conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), ou au secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011). La commission considère, en revanche, qu'il n'y a pas lieu, en principe, d'opposer le secret en matière industrielle et commerciale sur le fondement de l'article L2121-26 du CGCT (pour les communes) ou de l'article L5211-46 (pour les établissements publics de coopération intercommunale).
En l'espèce, la commission constate que la demande porte sur une demande de mise en ligne des "comptes rendus complets du conseil municipal de Franconville tels qu'approuvés par le conseil municipal, c'est-à-dire comportant la retranscription des débats".
Si le code général des collectivités territoriales ne définit pas la portée du procès-verbal pour ce qui concerne les communes, en ce qui concerne les conseils départementaux et les conseils régionaux, les articles L3121-13 et L4132-12 du code prévoient, en des termes identiques, que « Le procès-verbal de chaque séance, rédigé par un des secrétaires, est arrêté au commencement de la séance suivante, et signé par le président et le secrétaire./ Il contient les rapports, les noms des membres qui ont pris part à la discussion et l'analyse de leurs opinions. » La commission en déduit que la demande porte en réalité sur le procès-verbal du conseil municipal, qui a pour objet d'établir et de conserver les faits et décisions des séances du conseil municipal dans une visée d’information du public et du préfet chargé du contrôle de légalité, plutôt que sur le compte-rendu, document a priori plus succinct, qui retrace les décisions prises par le conseil municipal sur les affaires inscrites à l'ordre du jour, sans détailler les débats, qui doit être affiché dans les huit jours du conseil municipal en application des dispositions de l'article L. 2121-25 de ce code, le compte-rendu pouvant néanmoins tenir lieu de procès-verbal s’il est suffisamment précis (Voir ce en ce sens CE, 5 décembre 2007, Cne de Forcalqueire).
La commission émet donc, sous réserve de l'occultation des mentions qui ne sont pas communicables à des tiers en vertu des principes découlant de la jurisprudence "Commune de Sète", un avis favorable à la publication en ligne des procès-verbaux sollicités après occultation, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L312-1-2 du CRPA, des données à caractère personnel qu'ils contiennent. La commission estime toutefois sur ce point que n'ont pas à être anonymisées les prises de paroles et de position des élus du conseil municipal non plus que les noms d'autres élus de collectivités territoriales qui y sont retracées en cette qualité, dès lors que ces informations sont nécessaires à l'information du public et relatives aux conditions d'exercice de la vie politique et qu'elles peuvent dès lors faire l'objet d'une publication sans anonymisation au titre du 6° de l'article D312-1-3 du CRPA.