Avis 20217244 - Séance du 17/02/2022

Avis 20217244 - Séance du 17/02/2022

Ministère des armées

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 décembre 2021, à la suite du refus opposé par la ministre des armées à sa demande de communication de l'enquête complémentaire le concernant, relative à l'interdiction temporaire d’accès aux établissements du groupe X classifiés points d’importance vitale, d’une durée limitée à trois ans, à la suite du contrôle élémentaire dont il a été l’objet.

La commission relève qu’aux termes de l’article L1332-2-1 du code de la défense : « L'accès à tout ou partie des établissements, installations et ouvrages désignés en application du présent chapitre est autorisé par l'opérateur qui peut demander l'avis de l'autorité administrative compétente dans les conditions et selon les modalités définies par décret en Conseil d'État. / L'avis est rendu à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. / La personne concernée est informée de l'enquête administrative dont elle fait l'objet. », qu’aux termes de l’article R1332-22-1 du même code : « Avant d'autoriser l'accès d'une personne à tout ou partie d'un point d'importance vitale qu'il gère ou utilise, l'opérateur d'importance vitale peut demander par écrit, selon le cas, l'avis : / (…) / 3° Du ministre de la défense pour les opérateurs d'importance vitale relevant de celui-ci. / Cette demande peut justifier que soit diligentée sous le contrôle de l'autorité concernée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l'accès envisagé et pouvant donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. / (…) » et qu’aux termes de l’article R1332-22-3 de ce code : « L'opérateur d'importance vitale informe par écrit la personne concernée de la demande d'avis formulée auprès de l'autorité administrative et lui indique que, dans ce cadre, elle fait l'objet d'une enquête administrative conformément aux dispositions de l'article L1332-2-1 du présent code. ».

La commission rappelle qu’aux termes de l’article 32 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, approuvée par un arrêté du Premier ministre du 30 novembre 2011, la procédure de contrôle élémentaire - procédure dont Monsieur X a fait l’objet - est une procédure distincte de l'habilitation, destinée à s'assurer de l'intégrité d'une personne, et qui garantit que le degré de confiance qu'il est possible d'accorder à cette personne est compatible avec la fonction, l'affectation ou le recrutement pour lequel elle est pressentie ou lui permet d'avoir accès à certaines zones protégées.

En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre des armées a dans un premier temps indiqué à la commission que les avis rendus à l’issue de telles enquêtes sont classifiés et donc couverts par le secret de la défense nationale, et qu’à ce titre les dispositions du b) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration s’opposent à leur communication.

La commission, abandonnant sa doctrine antérieure (avis n° 20153938 du 19 novembre 2015), estime que, s’agissant des documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale (c’est-à-dire les archives ayant fait l’objet d’une mesure de classification mentionnée à l’article 413-9 du code pénal), les dispositions du b) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration sont à lire de manière combinée avec celles des articles 413-9 et suivants du code pénal réprimant l’accès ou le fait de donner accès à des informations ou supports présentant le caractère de secret de la défense nationale à toute personne non qualifiée, délits usuellement qualifiés de « compromission ». Aux termes de l’article 413-9, « présentent un caractère de secret de la défense nationale (…) les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès ».

Elle considère donc, adoptant ainsi une lecture formelle du secret de la défense nationale et transposant la lecture qu’elle en fait désormais pour l’application de l’article L213-2 du code du patrimoine (avis n° 20215751 du 16 décembre 2021), que ne relèvent de ce secret que les seuls documents ayant fait l’objet d’une mesure de classification à ce titre par l’autorité compétente (CE, 25 mai 2005, Assoc. Reporters sans frontières et a., n°260926, Rec. Lebon T. 707).

Elle note, à cet égard, que l’article R2311-6 du code de la défense dispose : « Dans le respect des mesures arrêtées par le Premier ministre, chaque ministre, pour les services relevant de son autorité et les établissements publics relevant de sa tutelle ainsi que pour les personnes avec lesquelles il a conclu un plan contractuel de sécurité conformément au deuxième alinéa de l'article R2311-9, précise par arrêté les modalités de classification et de protection des informations et supports aux niveaux Secret et Très Secret. / Dans les mêmes conditions, le ministre coordonnateur d'un secteur d'activités d'importance vitale pour les personnes mentionnées aux articles L1332-1 et L1332-2 ainsi que leurs cocontractants ou le ministre de l'intérieur pour celles des personnes qui gèrent exclusivement un établissement mentionné à l'article L1332-2 ainsi que leurs cocontractants, précise par arrêté les modalités de classification et de protection des informations et supports aux niveaux Secret et Très Secret. ».

La commission relève toutefois qu’aux termes de l’article L340-1 du code des relations entre le public et l’administration, elle est « chargée de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents administratifs et aux archives publiques ». Elle est ainsi compétente pour rendre un avis, sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sur la communication de documents administratifs couverts par le secret de la défense nationale (CE, 20 février 2012, Min. de la défense, n°350382, Rec. Lebon p. 54). L'article R343-2 du code prévoit par ailleurs que « l'administration mise en cause est tenue, dans le délai prescrit par le président de la commission, de communiquer à celle-ci tous documents et informations utiles et de lui apporter les concours nécessaires. (...) ».

La commission, ajustant sa doctrine antérieure (avis n° 20153938 du 19 novembre 2015), en déduit qu’il lui appartient dans ce cadre de vérifier qu'avant que ne soit refusée la communication du document sollicité, qui ne serait possible qu'après déclassification par l'autorité compétente, celle-ci s'est assurée que le maintien de la classification est justifié et en particulier qu’une déclassification partielle du document ne peut être réalisée.

La commission en déduit également, à la suite de son avis n° 20124117 du 10 janvier 2013, qu’elle se prononce alors au vu, notamment, de tout élément d'information que l'administration destinataire de la demande lui communique dans des formes préservant le secret de la défense nationale, de façon à lui permettre d'émettre son avis en connaissance de cause sans porter directement ou indirectement atteinte à ce secret. Dans le cas où, estimant qu’une classification ne se justifierait plus et que la communication d'un document classifié ne porterait donc pas atteinte au secret de la défense nationale, ni par ailleurs à un autre intérêt protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la commission émettrait un avis favorable à la demande, il appartiendrait à cette administration d’engager les procédures nécessaires en vue de la déclassification, totale ou partielle, de ce document par l'autorité compétente.

La ministre des armées a précisé dans un second temps à la commission avoir procédé au réexamen de la nécessité de la classification de l’avis rendu à l’égard de Monsieur X et qu’il s’avère que la communication présente un risque de révélation de méthodes ou de sources du service chargé de l’enquête, s’opposant ainsi à ce jour à sa déclassification

La commission, qui regrette le caractère stéréotypé et non circonstancié de ces observations, ne peut que prendre acte d’un tel motif et émet, par suite, un avis défavorable.