Avis 20221614 - Séance du 31/03/2022

Avis 20221614 - Séance du 31/03/2022

Premier ministre

Monsieur X, Madame X et Monsieur X, pour le journal Le Monde, ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 mars 2022, à la suite du refus opposé par le Premier Ministre à leur demande de communication de l’ensemble des documents et communications transmis par ses services entre le 25 novembre 2021 et le 2 février 2022 à la commission d'enquête sénatoriale sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.

La Commission relève, à titre liminaire, que la présente demande s’inscrit dans le cadre d’une série de demandes portant sur des documents de même nature et ayant le même objet, adressées par les mêmes demandeurs à vingt institutions publiques. En application de l’article 8 quater C de son règlement intérieur, cette demande a été choisie par la Commission pour être examinée lors de sa séance du 31 mars 2022 en partie II, afin de dégager les principes de communication communs aux documents demandés et de procéder à une appréciation des données de fait susceptibles de varier d’un dossier à l’autre. La solution adoptée dans cet avis sera ensuite reprise dans les autres dossiers de la série donnant lieu à un avis de partie III inscrit à la même séance.

En premier lieu, la Commission rappelle qu’une demande de communication de documents administratifs qui lui est adressée est déclarée sans objet lorsque l'autorité saisie communique spontanément le document demandé postérieurement à l’enregistrement de la demande ou lorsqu'il résulte des indications fournies par cette autorité que le document demandé n'a jamais existé, a été détruit ou a été égaré.

Elle précise également, à toutes fins utiles, que le refus de communication n’est pas établi et la demande d’avis est déclarée irrecevable, lorsque l’administration saisie d’une demande de communication, communique spontanément dans les délais qui lui sont impartis le document demandé au demandeur.

En second lieu, la Commission rappelle qu’en application de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, les actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. En outre, l’article L342-1 du même code dispose que « la Commission d'accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d'archives publiques, à l'exception (…) des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires ».

La Commission déduit de ces dispositions que les documents produits ou reçus par une assemblée parlementaire sont exclus du champ d’application du code des relations entre le public et l’administration et qu’elle est, par suite, incompétente pour se prononcer sur leur caractère communicable.

Elle précise cependant, s’agissant des documents reçus, que seuls ceux qui ont été produits en vue de leur transmission à une assemblée parlementaire ou à la demande de cette dernière sont exclus du champ d’application du code des relations entre le public et l’administration et, partant, du champ de sa compétence.

La Commission relève, en l’espèce, que la demande formulée par les journalistes du Monde, en ce qu’elle vise « l’ensemble des documents et communications transmis » par chacune des institutions sollicitées à la commission d’enquête sénatoriale, présente un caractère général sans indication quant au contexte dans lequel ces éléments ont été transmis à la commission d’enquête sénatoriale. Elle souligne également, compte-tenu de la vaste étendue du champ d’investigation de la commission d’enquête qui a recueilli 7 300 documents et a procédé à trois contrôles sur pièces et sur place au ministère de l'économie et des finances, que la nature des documents objet de la saisine ne peut être définie de façon certaine.

La Commission, qui n’est dès lors pas en capacité de déterminer la nature exacte des documents sollicités, se déclare en l’état incompétente pour se prononcer sur la communication de ceux qui ont été produits par les institutions publiques à la demande de la commission d’enquête ou en vue, notamment, de leur transmission aux sénateurs. Elle considère en revanche que les documents ne relevant pas du champ de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires présentent un caractère administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration et elle se déclare compétente dans cette mesure.

En troisième lieu, la Commission précise, s’agissant de cette seconde catégorie de documents, que les travaux des commissions d'enquête parlementaires sont couverts par le secret en vertu des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, à l’exception des auditions. En outre le IV de cet article 6 dispose que « sera punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal toute personne qui (...) divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d'une commission d'enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ». Elle en déduit que le secret des travaux non publics d'une commission d'enquête doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) du 2° de l'article L.311-5 du code des relations entre le public et l'administration.

La Commission constate, en l’espèce, que le rapport de la commission d'enquête sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a été déposé le 16 mars 2022 et qu’il est désormais librement accessible sur le site internet du Sénat. Elle relève toutefois qu’en réponse à la demande qui lui a été adressée, le Premier ministre, par l’intermédiaire du secrétariat général du Gouvernement lui a indiqué que la communication aurait en l’espèce pour effet de révéler des informations relatives à la partie des travaux de la commission n’ayant volontairement pas été rendus publics.

Elle en prend note et déduit de ces éléments que la communication des documents demandés, qui couvrent « l’ensemble des documents et communications transmis » par chacune des institutions sollicitées à la commission d’enquête sénatoriale aurait, dans les circonstances particulières de l’espèce, pour effet de révéler l'étendue des investigations réalisées par cette commission et, par conséquent, de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Elle émet donc un avis défavorable à leur communication.