Avis 20235134 - Séance du 12/10/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 août 2023, à la suite du refus opposé par la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) à sa demande de communication, dans un format numérique, ouvert et réutilisable, des documents suivants :
1) ceux relatifs à l'instruction de la demande d'avis numéro 22017855, comprenant les échanges entre la CNIL et le ministère à l'initiative de la demande d'avis ;
2) les observations de Monsieur X, X.
La commission relève, à titre liminaire, que les documents sollicités sont en lien avec la procédure d’examen pour avis par la CNIL de deux projets de décrets pris pour l’application de la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet, initiée sur le fondement du a) du 4° du I de l’article 8 de la loi de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, la présidente de la CNIL a d’abord indiqué qu’aucune observation n’a été présentée par le X auprès de la CNIL dans le cadre de ces demandes d’avis. La commission, qui constate que ces allégations sont corroborées par un courriel du X du 8 mars 2023, produit au dossier, déclare, par suite, la demande d’avis sans objet en son point 2).
La présidente de la CNIL a également précisé que le courrier de saisine du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi que le rapport de la commissaire de la CNIL ont été transmis au demandeur. Elle a en revanche maintenu son refus de communiquer les projets de décrets soumis à son examen, ainsi que les échanges écrits produits dans le cadre de l’instruction de la demande, en faisant valoir que ces documents sont couverts par le secret des délibérations du Gouvernement.
La commission rappelle qu’en application des dispositions du a) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration et du a) du 1° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la divulgation porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ne sont pas communicables avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter de leur élaboration ou de la date du document le plus récent figurant dans le dossier.
La commission précise que selon sa doctrine constante, relèvent de cette catégorie les documents élaborés ou reçus par les formations collégiales du Gouvernement, en particulier les comptes rendus du conseil des ministres, des conseils ou comités interministériels et des réunions interministérielles (CE, 10 mai 1996, n° 163607), ainsi que les documents dont le président de la République, le Premier ministre ou, le cas échéant, l'un de ses ministres ont demandé l'élaboration pour définir la politique du Gouvernement, et qui présentent une sensibilité particulière (CE, 2 décembre 1987, n° 74637 et CE, 12 octobre 1992, n° 106817, Association SOS Défense). N’entrent en revanche pas dans ce champ, les documents, élaborés par une entité administrative agissant dans le cadre de ses missions, qui ne s’inscrivent pas dans le processus décisionnel du Gouvernement et ne procèdent pas d’une initiative politique de sa part.
La commission estime, sur ce fondement, que les documents produits par le Gouvernement lors de la phase préparatoire à l’adoption d’un décret relèvent en eux-mêmes du secret des délibérations du Gouvernement, eu égard à leur auteur et à leur objet. Revenant sur sa doctrine antérieure (avis de partie II n° 20061366 du 11 mai 2006, avis n° 20061366 du 15 décembre 2016), la commission précise, à cet égard, qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon que le décret a été ou non adopté en conseil des ministres.
En l’espèce, la commission estime que les projets de décrets soumis à l’examen de la CNIL, produits par le Gouvernement, entrent dans le champ du secret des délibérations du Gouvernement. Elle considère que les échanges intervenus entre le Gouvernement et la CNIL dans le cadre de cette procédure consultative, qui sont de nature à révéler les versions successives d’un décret avant que les autorités gouvernementales arrêtent leur décision, comportent également des informations qui doivent être protégées au titre de ce secret.
Elle émet, dès lors, un avis défavorable à la demande en son point 1).